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"Il a tout suturé à vif, ç'a duré quarante-cinq minutes." "Je n’étais plus dans un accouchement, c’était une scène de massacre." "On préférerait mourir plutôt que de sentir ça"… S'ils sont glaçants (et bouleversants), les témoignages réunis dans ce documentaire montrent aussi la volonté des femmes de rendre publiques les maltraitances subies durant l'accouchement, longtemps tues. En France comme dans le reste de l’Europe, leurs voix s’élèvent pour les dénoncer, amplifiées par les réseaux sociaux et une forte mobilisation militante. Également victime de violences obstétricales, la secrétaire d'État chargée de l'égalité entre les hommes et les femmes, Marlène Schiappa, interviewée dans ce film, a jeté un pavé dans la mare, en commandant un rapport sur le sujet.
Violence systémique
Épisiotomie imposée, césarienne à vif, infantilisation, remarques sexistes... : ces violences bafouent une notion fondamentale : le consentement des femmes. Nombre d'entre elles assimilent alors ce qu'elles ont vécu à un viol. La réalisatrice féministe Ovidie (Là où les putains n'existent pas) analyse la situation sans manichéisme, en interrogeant tous les acteurs concernés : des victimes, des militantes, des experts, des sages-femmes mais aussi des gynécologues qui dénoncent le manque cruel de moyens du système de santé publique. Son enquête rigoureuse explore également l’histoire pour comprendre la source de cette violence systémique, et rappeler, avec des expériences passées ou présentes (l'accouchement sans douleur, la naissance à domicile) qu'un autre modèle, moins médicalisé, peut constituer une solution.
https://mastodon.parleur.net/@parleur/102364316667049634
[Documentaire disponible jusqu'au 1er Mars 2020]
La tragédie d'Eva-Marree, privée de ses enfants pour prostitution puis tuée par leur père. Dans un réquisitoire convaincant, la réalisatrice Ovidie dénonce les abus de pouvoir commis par un État suédois prétendument protecteur.
Le 11 juillet 2013, Eva-Marree, alias Jasmine Petite, 27 ans, est tuée par le père de ses deux enfants de trente-deux coups de couteau, dans les bureaux des services sociaux suédois. Ce crime est l'aboutissement d'un cauchemar qui a commencé trois ans plus tôt, après que la jeune femme, ayant quitté son compagnon pour violences conjugales répétées, et ne sachant comment subvenir aux besoins de la famille, a confié à une proche avoir travaillé comme escort-girl. Sur simple dénonciation, Eva-Marree se voit retirer sa fille et son fils, alors âgés de 1 et 2 ans, sans discussion ni enquête préalables, les services sociaux en attribuant la garde exclusive à leur père, un homme dont ils avaient pourtant eux-mêmes diagnostiqué la violence. Après l'échec de plusieurs recours en justice, la jeune femme devient l'un des porte-parole du syndicat suédois des travailleurs du sexe, dénonçant les lois en vigueur et les abus de pouvoir des services sociaux, qui privent les prostitué(e)s de leurs droits élémentaires en prétendant les protéger. Ayant finalement obtenu un droit de visite auprès de ses enfants, puis encore bataillé pour que les services sociaux obligent le père à s'y soumettre, elle est assassinée lors du premier rendez-vous fixé avec ce dernier et leur fils. Déni de justice. Aucune sanction n'est prise au sein du service concerné, même si la directrice en est discrètement mutée. Les parents d'Eva-Marree réclament toujours en vain le droit de voir leurs petits-enfants, dont ils ignorent jusqu'au lieu de placement, alors que le père meurtrier, bien que condamné à une longue peine d'incarcération, conserve son autorité parentale. Car, en Suède, dénoncent les interlocuteurs d'Ovidie (la mère d'Eva-Marree, Zenitha, son avocat, la responsable de son syndicat…), une "putain" ne saurait être une bonne mère. Si, comme cette jeune femme courageuse, qui témoigne dans un entretien d'archives avec une retenue et un charisme remarquables, elle ose refuser le statut de victime et d'irresponsable qu'on lui assigne, elle devient aussi une ennemie de la société. En un réquisitoire convaincant contre un État "providence" dont aucun représentant n'a souhaité s'exprimer, la réalisatrice expose en détail l'hallucinant déni de justice qui a frappé Eva-Marree et ses enfants. Nombre de pays membres de l'Union européenne, dont la France, rappelle-t-elle aussi, ont adopté la législation suédoise criminalisant les clients de prostitué(e)s, l'autre volet selon elle d'une vision puritaine et répressive qui fragilise les travailleurs du sexe tout en affirmant les aider.
Là où les putains n'existent pas | Documentaire d'Ovidie (France, 2017, 56mn)